Le CSE face aux enjeux environnementaux
Face aux défis environnementaux croissants, les entreprises sont appelées à intégrer des pratiques durables dans leur fonctionnement quotidien. Dans ce contexte, la loi Climat et Résilience a marqué un tournant en redéfinissant le rôle des Comités Sociaux et Économiques (CSE).
Pour mieux comprendre les implications concrètes de cette évolution, nous avons interrogé Azziz Akroum, expert en droit social et en accompagnement des CSE. Il revient pour nous sur les transformations induites par cette loi, les défis auxquels les élus du CSE doivent faire face, et les leviers à activer pour devenir des acteurs clés de la transition écologique en entreprise.
Bonjour Azziz. Peux-tu nous en dire plus sur La loi Climat et Résilience. A-t-elle redéfini le rôle des CSE sur les questions environnementales ?
Oui, la loi Climat et Résilience a clairement redéfini le rôle des CSE, notamment en ce qui concerne la prise en compte des enjeux environnementaux dans les décisions de l’employeur. Désormais, l’employeur doit informer les membres du CSE des conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise, et ce, dans les entreprises de plus de 50 salariés. C’est un changement majeur. Ce qui est particulièrement novateur, c’est que les experts, comme les experts-comptables qui assistent le CSE dans ses missions, doivent désormais intégrer des indicateurs environnementaux dans leurs rapports, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Cela marque une évolution importante, car la loi impose désormais que le CSE soit directement impliqué dans les questions environnementales, allant bien au-delà des enjeux sociaux ou économiques classiques.
Quels sont les principaux enjeux pour les élus du CSE lorsqu’ils doivent intégrer ces problématiques environnementales ?
L’un des principaux enjeux réside dans la modification de la Base de Données Économiques, Sociales (BDES), qui devient la Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDESE). Cette nouvelle base regroupe trois grands axes : le changement climatique, l’économie circulaire et la politique générale environnementale. Concrètement, cela signifie qu’il faut maintenant analyser les émissions de gaz à effet de serre, la gestion des déchets et la consommation des ressources (eau, énergie) de manière plus structurée.
En parallèle, des formations spécifiques aux questions climatiques ont été mises en place. Par exemple, certains CSE peuvent créer des commissions environnementales afin de sensibiliser et agir avec l’employeur sur ces sujets. Aujourd’hui, les CSE ne se contentent plus d’une formation économique classique, mais bénéficient également de formations qui intègrent des enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Cette évolution est un réel tournant.
Est-ce que les élus du CSE disposent aujourd’hui des outils et des compétences nécessaires pour répondre à ces nouveaux défis ?
Malheureusement, non, pas encore pleinement. Le problème réside dans la disparité des compétences et de l’engagement des membres des CSE sur ces questions. En théorie, des formations existent, mais elles ne sont pas systématiquement adaptées à tous les profils. En effet, certains membres du CSE sont déjà sensibles aux questions environnementales, mais d’autres n’y accordent pas d’importance. Cela crée une vraie fracture dans l’application des nouvelles obligations.
De plus, même si des formations existent, elles restent insuffisantes pour offrir aux CSE une maîtrise complète des enjeux environnementaux, notamment en matière de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Le lien entre l’entreprise et ses démarches écologiques n’est pas toujours évident, et certains CSE n’ont pas encore tous les outils nécessaires pour influencer efficacement la stratégie de l’employeur.
Existe-t-il des formations spécifiques pour accompagner les CSE dans cette transition environnementale ?
Oui, des formations existent, mais elles sont encore assez peu connues et peu sollicitées. Les CSE peuvent faire appel à des formations sur les enjeux environnementaux et le développement durable. Cependant, ces formations restent souvent génériques et ne prennent pas toujours en compte les spécificités des entreprises ou les réalités concrètes de terrain.
Il serait plus pertinent que chaque CSE commence par un diagnostic interne pour savoir où il se situe par rapport aux questions environnementales, avant de se lancer dans une formation. Il est aussi important de souligner que la formation économique classique inclut parfois des modules sur les enjeux environnementaux, mais ce n’est pas une priorité.
Comment un CSE peut-il collaborer efficacement avec la direction pour initier des actions concrètes en matière d’environnement ?
La collaboration CSE-employeur sur ces sujets passe par une prise de conscience mutuelle de l’importance des enjeux environnementaux. Un bon exemple de collaboration est l’intégration de pratiques écoresponsables dans les achats de l’entreprise, comme la sélection de produits d’entretien respectueux de l’environnement ou l’utilisation de matériaux durables.
Le CSE peut également organiser des événements à connotation écologique ou modifier ses habitudes internes. Par exemple, il peut revoir l’organisation des sorties ou événements, en prenant en compte l’empreinte carbone associée à chaque activité. Toutefois, pour que ces actions aient un véritable impact, il faut que l’employeur soit également convaincu de la nécessité d’agir. Si ce n’est pas le cas, le CSE devra alors jouer un rôle plus engagé, mais cela reste plus difficile.
Quels sont les outils et indicateurs à mettre en place pour évaluer l’impact des actions environnementales du CSE ?
L’indicateur clé est l’empreinte carbone. C’est l’outil principal pour mesurer si les actions environnementales menées par le CSE sont efficaces. Si l’empreinte carbone reste stable ou diminue d’une année sur l’autre, cela signifie que l’entreprise ou le CSE a progressé dans ses démarches écoresponsables.
Outre l’empreinte carbone, il existe d’autres critères, comme l’analyse de la provenance des produits achetés par l’entreprise ou les critères écoresponsables des prestataires avec lesquels elle travaille. Pour le CSE, un autre indicateur peut être l’analyse des activités internes, comme les voyages ou les événements organisés, pour vérifier si leur impact écologique est maîtrisé.
Quel conseil donnerais-tu aux élus du CSE qui souhaitent faire avancer la culture environnementale dans leur entreprise ?
Le premier conseil serait d’être force de proposition. Si l’employeur n’est pas encore engagé dans une démarche écoresponsable, c’est au CSE d’impulser le changement. Il doit rappeler à l’entreprise l’importance de cette responsabilité et encourager la direction à intégrer des pratiques durables.
Le deuxième conseil est de garder à l’esprit que l’écoresponsabilité ne peut pas être menée à 100 %. Il s’agit de faire des choix pragmatiques et d’agir progressivement. Par exemple, une politique de transport plus durable peut être une première étape significative. Le CSE ne doit pas chercher à tout changer d’un coup, mais à influencer progressivement la stratégie de l’entreprise en matière de développement durable.
Tu as mentionné la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Comment cela se traduit-il concrètement dans les entreprises ?
La RSE est une approche qui intègre les préoccupations sociales et environnementales dans les activités commerciales de l’entreprise. L’ISO 26000 est la norme qui guide cette démarche. Elle définit sept thématiques, dont la gouvernance, les droits de l’homme, et la protection de l’environnement. Les CSE peuvent s’appuyer sur ces critères pour travailler avec l’employeur et l’accompagner dans l’amélioration de ses pratiques environnementales. L’idée est d’amener l’entreprise à adopter une stratégie plus transparente et plus responsable, avec des actions concrètes en faveur de l’environnement.
Propos recueillis par Agathe Puaud